I’ve seen things you people wouldn’t believe
L’exposition associe des œuvres de la Collection du FRAC Corsica et des créations d’artistes de la scène émergente. Elle cherche à offrir un parcours où les propositions des artistes sont comme autant d’altérités qui échappent aux identités stables et surdéterminées. La trajectoire du spectateur passe du nuage tégument d’Agnieszka Polska à la sphère réfléchissante de Bruno Peinado, qui respire comme une entité vivante pour nous adresser la même interrogation que le monolithe noir dans le film de Stanley Kubrick, 2001 l’Odyssée de l’espace (1968). Mais au-delà de la question des origines, ce qui se joue ici, c’est la possibilité d’une approche ludique des sciences, à l’image des sculptures de Théo Massoulier qui renvoient aux ciseaux génétiques ou Crispr créés en 2012 à l’Université de Berkeley afin de tailler dans l’ADN. La modélisation 3D de Salomé Chatriot présente également cette association entre l’organique et l’artificiel. Sa vidéo semble montrer l’intérieur d’un organe mais elle assume une dimension toute numérique qui nous projette dans un univers de science-fiction. Il en est de même pour les sculptures d’Agata Ingarden et de Jean-Marie Appriou. La première propose sa version synthétique et géante d’une libellule qui ne se distingue plus totalement de son environnement tandis que la seconde montre un enfant cosmonaute rappelant aussi bien les hiéroglyphes égyptiens qu’une silhouette à la Giacometti. Un tel télescopage de citations et d’univers traverse l’intégralité de l’exposition, comme le signe manifeste que nous vivons aujourd’hui dans des mondes multiples. On peut rappeler alors que depuis les années 1930, deux grandes théories scientifiques ont été validées sans pour autant pouvoir se concilier. D’une part, on trouve la théorie de la relativité générale qui décrit la gravité et permet de comprendre le comportement de la matière à l’échelle cosmique. D’autre part, la physique quantique permet de décrire les particules atomiques et subatomiques. Ces deux perspectives, macroscopique et microscopique, ne paraissent pas régies par les mêmes règles. Par conséquent, I’ve seen things you people wouldn’t believe participe d’une réflexion autour de l’existence de ces mondes multiples, mondes réels et imaginaires ici, qui s’invitent pour élargir nos conceptions de l’existence. De ce point de vue, l’art et le cosmos ont peut-être en commun l’absence d’une essence qui permet alors de suivre l’intuition du physicien Carlo Rovelli lorsque ce dernier explique que nous ne savons finalement que peu de choses face à la matière diffuse dans l’espace intersidéral et qu’il ajoute : « On est vraiment au bord de la connaissance, et le bord de la connaissance, c’est la beauté ». Fabien Danesi, directeur du FRAC de Corse. Jusqu’au 15 janvier