« L’art est partout présent et permet de garder espoir. »
Devant sa table d’autopsie, le médecin légiste s’occupe des morts suspectes: affaires criminelles, violences conjugales, suicides, accidents de la vie, ou… affaires d’État. Quand, le 6 février 1998, le préfet Claude Érignac est assassiné dans une rue d’Ajaccio, Paul Marcaggi est le premier appelé pour constater le décès. Et identifier la victime. Maître du scalpel, c’est lui qui, par ses observations, détermine les causes de la mort. Pour la première fois il sort de son silence. Et pour ce faire il a choisi la littérature - ou peutêtre pas, toujours est-il que ce qu’il écrit en est. C’est-à-dire que ce qu’il nous donne à lire est au-delà du récit, du commentaire. Attention : ce livre est documenté mais n’est pas un documentaire. C’est un récit autobiographique porté par l’impudeur de l’auteur proche du désabusement. C’est surtout un exercice réussi de littérature dans la tradition française de la nouvelle : il y en a dix-sept, déguisées en autant de chapitres, qui peignent la condition humaine jusque dans ses accès de bestialité paroxystiques. L’auteur nous rappelle ainsi combien la putréfaction de l’âme l’emporte souvent sur celle des chairs. D’abord spectaculaire, la mise en scène de la misère humaine s’impose dans sa réalité diffuse, infuse. Paul Marcaggi est un écrivain à élans pédagogiques, usant des situations et des comportements pour construire sa composition littéraire et nous parer ainsi des écueils anecdotiques. Docteur la mort peut paraître un titre facile, c’est oublier ce qui meurt en nous quand on vit: notre âme. Ainsi, insensiblement, la lecture de Docteur la mort nous rapproche-t-elle de « cette autre vie qu’est cette vie dès qu’on se soucie de son âme » chère à Alain. Si message il devait y avoir il tiendrait dans cette formule du christianisme médiéval, aimable salut que les moines Trappistes s’échangent quotidiennement : Memento mori, Souviens-toi que tu vas mourir. Cela posé, chaque nouvelle (ou chaque chapitre) nous plonge au cœur d’une enquête judiciaire. Nous découvrons son mécanisme, chaque détail compte, rien n’est superflu, le tout obéissant aux exigences du genre : concision, rigueur, rythme. Ce n’est donc pas un recueil de réflexions ni de souvenirs, c’est une forme qui nous laisse haletant (notons que l’auteur est amateur de romans policiers).
Photos Marianne Tessier