Vous avez dit « fondamentaux »
Nous démarrons 2023 sur les chapeaux de roue. Ainsi Bertrand Kern, le maire de Pantin, rebaptise sa commune « Pantine » en signe d’engagement pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Il y a là du Simone de Beauvoir – persuadée d’être réaliste - qui a beaucoup fait pour la libération des bourgeoises. Les socialistes ne sont ni de gauche ni progressistes, ils sont snobs. Plus fort encore Pap Ndiaye, qui recommande la dictée quotidienne pour rehausser le niveau des élèves en français. C’est du Molière, dont Stendhal relevait le cynisme de l’homme intelligent qui met son talent au service du pouvoir nous rappelle Charles Dantzig dans son rafraichissant Dictionnaire égoïste de la littérature française. N’y allons pas par quatre chemins, nommons le remède qui désigne le mal : la lecture, que le ministre aurait dû recommander quotidienne. Les scientifiques ont établi que lire des livres améliore le vocabulaire, le raisonnement, la concentration et la pensée critique, et que la littérature stimule les processus cognitifs comme la perception sociale et l’intelligence émotionnelle qui peuvent contribuer à prolonger la vie. Or lire (ce qui est différent de déchiffrer) s’apprend, comme écrire. Chaque mot alors est une image. Il faut encore évoquer le rayonnement des idées. Rappelons, commençons par le commencement, que le protestantisme est né avec (grâce ou à cause de) l’imprimerie, les prêtres n’ayant plus le monopole de la parole. Plus près de nous, et de l’air du temps, cette confidence de Simone de Beauvoir - à qui il arrive d’être réaliste - dans La force des choses à propos de son désormais fameux Deuxième sexe : « J’y tenais à ce livre et j’ai été contente de vérifier – chaque fois qu’on l’a publié à l’étranger – qu’il avait fait scandale en France par la faute de mes lecteurs, non par la mienne. » Mais voilà qu’on nous claironne le « renforcement des fondamentaux », dernière trouvaille d’un communiquant boutonneux à oreillettes. Que Pap Ndiaye renoue d’abord avec ces fondamentaux qui nourrissent la méritocratie, héritage de la Révolution soit dit en passant que nos néo révolutionnaires – ils ne coupent pas les têtes, ils les vident - réduisent à des notions de « sélection » ou de « compétition », à savoir le goût d’apprendre, l’effort librement consenti, le dépassement de soi. Au lieu de quoi nous campons sur des supercheries (ainsi ces options qui donnent des points surréalistes au baccalauréat), et nous installons chaque année davantage cette escobarderie qui consiste à diplômer des ignorants. « De vrais livres continuent d’être écrits et imprimés, mais ils n’impriment pas. Ils n’ont plus de vertu formatrice. L’éducation des âmes n’est plus de leur ressort… » déplorait Alain Finkielkraut en 2021 (in Après la littérature, Stock). Comment les pensionnaires de la rue de Valois ont-ils pu abandonner la lecture ? « Elle est d’abord une amitié » sait nous dire Proust. Enfin, bordel ! ne crève-t-il pas les yeux qu’il y va de la vitalité de la nation ? Je renvoie modestement Pap Ndiaye à ces mots de Victor Hugo (que ma fille élève de troisième découvre misérablement par le biais d’un best-off des Misérables…) : « L’éducation, c’est la famille qui la donne ; l’instruction, c’est l’État qui la doit ».