À74 ans l’écrivain, Prix Médicis en 1990 pour Les quartiers d’hiver et Grand prix du roman de l’Académie française en 2003 pour Tout est passé si vite, a été désigné lauréat du Prix littéraire de la Fondation Prince Pierre de Monaco, salué pour l’ensemble de son œuvre il succède à Vénus KhouryGhata. Le prix honore un écrivain d’expression française de renom pour l’ensemble de son œuvre, à l’occasion de la parution récente d’un de ses ouvrages. Les Années manquantes – son dernier roman, paru en janvier 2022 chez Gallimard - pour les lecteurs familiers de Pancrazi, sont les années 60 qu’il n’avait jamais racontées, pour la bonne raison qu’elles étaient hors d’atteinte, hors de mémoire. Il a fallu à l’auteur une quinzaine d’ouvrages, récits, romans et essais, pour préparer la possibilité de leur émergence. Le titre le dit bien : c’étaient les années qui manquent, d’une part dans la biographie de l’auteur que l’on peut reconstituer par petites touches au fur et à mesure des romans et des récits publiés, de La Montagne à Madame Arnoul et à Je voulais leur dire mon amour, attachés à l’Algérie perdue, de Long Séjour à Renée Camps, odes aux parents mal aimants mais adorés, des Quartiers d’hiver au Silence des Passions, chroniques des amours adultes. D’autre part Les Années manquantes étaient aussi, jusqu’à ce jour, le récit manquant. Pas seulement un trou de mémoire dans un agenda, mais la solution de l’énigme à chercher dans la deuxième partie de l’enfance et l’adolescence, ce creuset invisible de l’œuvre à venir. « On écrit toujours sur le corps mort du monde, sur le corps mort de l’amour » disait Duras. Dans ce dernier livre on a l’impression qu’une galerie de personnages perdus regarde passer un tout jeune homme en route vers sa vie. La grandmère qui a donné tout son amour à son fils et qui n’en a plus pour les autres ; cet oncle à la fierté de militaire humilié, échoué comme le paquebot-boîte de nuit où il s’oublie ; les petites cousines muettes sur ce qui leur est arrivé ; les camarades de lycée, quittés. Mais ce ne sont pas tant les gens en eux-mêmes qui comptent, que les liens, les impressions, les états d’esprit, les sentiments peur, espoir, curiosité, obstination à s’en sortir, qui font la trame de ce livre. Un livre où l’écriture, contrairement aux autres, n’est pas tissée avec la mémoire, mais avec l’effacement. Conversation
Par Isabelle Dominati Miller - Photos Rita Scaglia