Costume et gilet sombres, chaîne à la boutonnière, cravate lavallière - la lavallière du jour est en soie sauvage rouge, selon lui la couleur préférée des politiques -, les cheveux mi-longs à la mode romantique, il semble une apparition. Et puis il y a cette araignée au revers du veston. « Là où certains y voient une excentricité, dit-il, moi j’ai le souvenir de rencontres ». (chaque araignée lui a été offerte). La confidence n’est pas anodine : si la rencontre peut être le fait du hasard, la façon dont on la rencontre relève de l’intime. Il est coauteur, avec Baudoin, de BD parues chez Gallimard : Les rêveurs lunaires, en 2015 en 2018 et Ballade pour un bébé robot. Qui a dit « Faire de la bande dessinée, c’est comme voir ses rêves » ? Cet homme qui est l’un des plus grands mathématiciens du monde, titulaire de la très prestigieuse médaille Fields – considérée comme équivalente à un Prix Nobel inexistant pour cette discipline – directeur de l’Institut Poincarré à 36 ans, président de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et technologiques et à l’Assemblée nationale, est le premier à dire qu’il ne faut jamais se sentir prisonnier de ses talents. Ce faisant il marche dans les pas des grands mathématiciens qui ont voulu une carrière politique : Paul Painlevé, ministre et président du Conseil entre les deux guerres ; Emile Borel, député puis ministre à la même époque ; Arago, député puis ministre sous la seconde République ; Laplace, ministre de Napoléon ; Condorcet, député pendant la Révolution. On pourrait ainsi remonter ainsi jusqu’à Thalès, l’inventeur du théorème, qui aurait été un grand conseiller politique au VIe siècle avant JC. Il se trouve que Cédric Villani a des racines corses, qu’il les revendique. Intellectuellement. Affectivement. Conversation.
Photos Rita Scaglia