Voyage dans la parole
Christine Angot est en Corse en février pour présenter son dernier livre, Le Voyage dans l’Est (Prix Médicis 2021). Un récit qui, s’il reprend le thème de L’Inceste paru en 1999, fait surtout écho à un clash qui eut lieu il y a quelques années sur le plateau d’une émission de télé où elle était chroniqueuse. En cause, un sujet brûlant : la parole. On l’a vu exploser de colère face à une Sandrine Rousseau émue mais solide. Celle-ci venait présenter son livre, qu’elle revendiquait non pas comme un ouvrage littéraire mais comme un témoignage, une dénonciation du harcèlement qu’elle avait subi dans son parti politique. Ce qui a mis Angot hors d’elle, c’est une expression malheureuse de son interlocutrice : « Former à accueillir la parole ». Énoncé absurde selon elle, mais comme elle était outrée, elle ne pouvait que répéter « Former à accueillir la parole ! Former à accueillir la parole ! » sans expliquer pourquoi ça la rendait furax. Il faut reconnaître que « former à accueillir la parole », ça vous a un ton administrativo-judiciaire qui ne s’accorde guère avec le style d’Angot, coupant, clair et net. Mais tout de même, on voyait bien ce que ça voulait dire, on était en 2017, l’année où #MeToo prenait de l’ampleur avec l’affaire Weinstein en encourageant la prise de parole des femmes au sujet des viols et des agressions sexuelles.
Par Isabelle Dominati Miller – Photos D.R.