ENSAUVAGEMENT
La décapitation du professeur d’histoire Samuel Paty relance le débat sur l’ « ensauvagement » de la France suscité par la mort du chauffeur de bus de Bayonne, suivi par un face-à-face musclé entre Gérald Darmanin et Éric Dupont-Moretti ; le ministre de l’Intérieur s’appuyant sur les chiffres de la criminalité pour légitimer l’usage de ce terme, et le Garde des Sceaux appelant à ne pas confondre le sentiment d’insécurité de la population avec les statistiques. Rien donc, dans ce débat, qu’on ne sache déjà quant au clivage Gauche-Droite. Mais le plus étrange reste qu’on puisse parler d’ « ensauvagement » à partir de bilans catégoriels (incivilités, actes de délinquance ou de banditisme, homicides) qui ne disent pas grand-chose d’un processus régressif infiniment plus inquiétant et complexe ; et qu’on récuse parallèlement l’emploi de ce mot en affirmant que la population tend à confondre son ressenti avec la réalité des faits. Il est bon que le peuple dise ce qu’il pense, mais à condition que ça aille dans le sens du Progrès !
Par Françoise Bonardel Illustrations Orange mécanique, Stanley Kubrick, 1971