« J’ai eu le cœur étreint à Waterloo. »
Le secret de Napoléon (éditions des Équateurs) est un livre captivant, qui se lit d’une traite. Ni roman, ni récit, ni essai, mais les trois genres à la fois au service d’une quête : la personnalité vraie de Napoléon. C’est dans les pas - et dans la tête - de l’auteur que nous visitons une Europe contemporaine encore habitée de sa légende. « Pour répondre à ma question de départ, j’ai voulu à travers l’Europe mettre mes pas dans ceux de l’Empereur. Je me suis dit qu’en traversant les lieux où il avait forgé sa gloire, poli son image, j’approcherais peut-être le fameux secret de son être… Mon livre est ainsi le récit d’une promenade dans l’Europe d’aujourd’hui, avec pour fil conducteur le déroulement de l’épopée napoléonienne, et toutes les réflexions inspirées, à distance, par le caractère fabuleux de cette épopée. » Qui est la comtesse de Kielmannsegge, agent de renseignement de l’Empereur ? Pourquoi Napoléon va-t-il lui demander, secrètement, huit jours avant de mourir, de remettre au tsar Alexandre 1er un dossier scellé dont personne n’a jamais su le contenu ? C’est aussi la quête de ce secret qui anime l’auteur. Et ses lecteurs… « Napoléon est la synthèse de l’inhumain et du surhumain » théorisa Nietzsche pour qui l’Empereur incarnait l’idéal antique en chair et en os. Au XXIe siècle l’homme et l’oeuvre suscitent la polémique. Dans un climat de cancel culture qui semble gagner la France. Robert Colonna d’Istria : « En réponse à une universitaire américaine, Madame Daut, qui dans le New York Times avait publié une tribune « Napoléon n’est pas un héros à célébrer », je suis moi-même intervenu dans Le Figaro avec un long texte : « Oui, j’aime Napoléon et je commémorerai le bicentenaire de sa mort ! ». Les polémiques qu’on voudrait mettre au cœur de ce bicentenaire m’inspirent deux réflexions, tristes. La première est une remarque de Gustave Thibon : « Les époques de décadence ont un flair particulier pour découvrir et mettre en relief le petit côté de la grandeur ». Deuxième remarque, complémentaire : sociétés et civilisations ont moins à craindre de leurs ennemis que de leurs membres. Elles sont moins menacées par les coups de l’extérieur que par l’autodissolution… Napoléon était un homme politique. Depuis qu’il a accédé au pouvoir il a été - le plus légitimement du monde - l’objet de critiques. De toutes parts. Critiques renouvelées dans le temps, nourries par les travaux des historiens. Mais jamais on n’a dit ou lu ce qu’on voudrait nous imposer aujourd’hui : Napoléon doit être rayé de la carte… Au-delà du cas Napoléon, cette attitude d’esprit est vraiment inquiétante. Que l’on débatte des étapes et des grands hommes de l’histoire, soit. Mais comment exister si on n’a plus de passé ? Comment penser - et vivre tout simplement - sous le règne de la terreur de la pensée ? J’ai tendance à croire que c’est impossible. » C.S
Photos Marianne Tessier