En envoyant ses forces armées déshonorer la Russie sur le champ de bataille, Vladimir Poutine ne lançait pas seulement une offensive contre l’Ukraine, il assénait aussi un coup terrible à son propre pays, condamné pour de longues années à l’isolement et au déclin. Pour le fédéraliste que je suis, clamant depuis plus de dix ans que la vraie place de la Russie est au sein d’une grande union européenne, c’est un anéantissement.
L’écroulement de la Russie ne s’annonce pas seulement économique, mais aussi culturel et social. Les scientifiques russes de ma connaissance sont aujourd’hui plus démoralisés et pessimistes qu’ils ne l’étaient même pendant la dictature soviétique. À dire vrai, Vladimir Poutine ne leur a même pas accordé la considération qu’avaient pour eux les autorités soviétiques… Sa fascination pour l’innovation et la mondialisation l’avaient mené au lancement en grande pompe du projet Skolkovo, « Silicon Valley à la russe », copieusement arrosé de milliards, pendant que les prestigieuses universités russes, qui ont changé la face de la science mondiale, se meurent de sous-financement. À l’aube de ce qui s’annonce donc comme un carnage scientifique, je souhaite rendre un hommage à cette science russe, dont les tout premiers ferments ont été les enseignements, au 18e siècle, des mathématiciens-physiciens suisses Leonhard Euler et Daniel Bernoulli, cette science qui a soulevé les montagnes à partir du milieu du 19e siècle, et qui a suscité l’admiration stupéfaite du monde entier au 20e siècle. Voici donc une sélection de quelques ouvrages qui m’ont particulièrement marqué et qui dressent de la science russe un petit panorama non exhaustif mais plutôt représentatif.
Par Cédric Villani – illustrations Marc Chagall La guerre